Dan Martin : “A part Tadej Pogacar, personne ne s’amuse dans le vélo”

Dan, pourquoi avez-vous voulu faire ce livre ?

Dan Martin : Pierre est la personne qui me connaît le mieux et qui écrit très bien. J’aime sa façon d’écrire, son style. Ensemble, nous avons eu l’idée de faire quelque chose pour inspirer les gens. Le cyclisme est un sport sérieux, il y a de la douleur, tout le monde sait que ça fait mal mais dans ce livre nous voulions nous concentrer sur le plaisir. Je suis passionné de cyclisme, encore aujourd’hui. J’ai eu beaucoup de chutes, beaucoup de difficultés au cours de ma carrière mais j’ai toujours tout accueilli avec un état d’esprit positif. C’est ce que je voulais dire, tout ce que tu n’as pas le droit de dire pendant ta carrière.

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Pierre Carey : C’est une coïncidence. Dan, je l’ai rencontré, il vient de changer de nationalité britannique à irlandaise. Il a remporté le championnat britannique junior mais, à l’époque, c’était un petit pays cycliste. Nous ne pouvions pas penser que ce pays gagnerait le Tour de France. On disait qu’il était à La Pomme Marseille parce que son cousin, Nicolas Roche, l’avait précédé. Nous nous sommes retrouvés dans le même appartement, partagé avec 4 ou 5 personnes. Je sortais de l’école de journalisme et je voulais comprendre le cyclisme de l’intérieur et La Pomme était l’une des meilleures équipes de jeunes d’Europe.

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MP : C’est grâce à Pierre que je parle bien le français. Il a fait quelque chose que très peu de gens font lorsqu’ils apprennent une langue : il me corrigeait tout le temps.

l’ordinateur: Nous nous connaissons depuis longtemps. C’est le coureur idéal, j’aimerais que tout le monde lui ressemble. C’est un mélange de courage et d’honnêteté. Il a les records de grands coureurs mais je suis sûr que pour certains dans le public, Dan est un petit coureur qui s’est souvent invité dans la cour des grands. Je l’ai trouvé beau quand je l’ai vu dans les dernières courses avec des pilotes qui ont gagné de gros tours parce que je savais, je sentais le poids de la sueur, du travail, de la confiance. C’est une chose très fragile. Une carrière pleine de doute, de peur.

La peur est aussi dans le titre de chaque chapitre. Pourquoi?

MP : A mon avis, tout le monde le ressent. La moitié ne sait pas et les autres n’ont pas le droit de le dire. Quand un coureur dit qu’il a peur, il est expulsé. Personne ne dit “j’ai peur de tomber”. Si vous dites cela, votre carrière est presque terminée. Nous voulions essayer d’en parler honnêtement. Dans ce monde du cyclisme, qui est très sérieux, on ne montre pas d’émotions. Ils se cachent derrière les lunettes.

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l’ordinateur: C’est l’un des angles morts du cyclisme. Aujourd’hui, la plupart des histoires sportives sont des histoires de victoire, de conquête. C’est ennuyeux quand tout fonctionne. Ce qu’on aime dans la vie, ce qui nous parle dans l’imaginaire, c’est la chute, l’accident, l’erreur, l’échec. Je pense que cela contribue vraiment à l’humanisation du vélo. Un cycliste qui va rouler dimanche matin, un junior, un cadet, il comprend ça. Le cyclisme, c’est 99 % de moments difficiles et 1 % de succès. Dan est un coureur qui dégage également de la générosité, de la sincérité et de l’émotion. Il y a beaucoup de coureurs qui gagnent et ne transmettent aucune émotion. Vous pouvez perdre ou gagner et transmettre une émotion. Dan parvient à aligner les deux.

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Aujourd’hui, certaines personnes, dans le cyclisme et ailleurs, ont parlé de problèmes mentaux, de la difficulté à exprimer un doute. Avez-vous peur de cette nouvelle génération ?

MP : Personne ne parle de cette pression, de ces doutes. On les garde dans la tête et, un jour, on explose. Je ne sais pas si j’ai peur mais j’ai l’impression que le plaisir n’a pas sa place. Si un coureur aime rouler avec ses amis, ce n’est pas bon. Il faut s’entraîner dur, ne pas boire de bière par exemple. C’est le fait que vous devez contrôler votre image aussi. C’est encore différent pour la nouvelle génération. Je faisais du vélo tout en menant une vie plus ou moins normale à la maison. Je n’ai jamais fait de cours en altitude. Pendant le Tour de France, je suis allé au restaurant avec ma femme, j’ai bu un verre de vin et je suis quand même entré dans le Top 10. Je suis sûr que c’est encore possible mais l’état d’esprit est différent. J’ai parlé à des amis dans d’autres sports, c’est partout pareil.

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Vous dites que les coureurs ne s’amusent plus mais quand vous voyez Evenepoel, Pogacar, Van Aert, Van der Poel, Alaphilippe… Ils sont très doués mais cette nouvelle génération donne l’impression qu’ils s’amusent…

MP : Ils n’ont pas peur de perdre. Ils ont une manière très différente de courir, très agressive mais je ne sais pas si c’est amusant. Personne ne sourit sur le vélo. Ils aiment détruire la concurrence. Pogacar s’amuse peut-être. Il aime attaquer de loin. Il aime le jeu, tout comme Mathieu Van der Poel. Les autres aiment gagner, c’est différent. C’est encore de la performance. Evenepoel, par exemple, est différent car il fait une attaque de moins dans un match, il est là pour gagner.

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Pourquoi as-tu attaqué ? J’ai entendu ce jugement plusieurs fois. Chacun a son propre jugement sur l’attaque d’un coureur. Trop tôt, trop tard, trop loin, trop court, trop fort, voire carrément inutile. La question se veut tactique mais elle est en réalité existentielle. Je plaisantais, je répondais ‘et pourquoi pas ?’. Je suis sur le vélo pour attaquer. La pédale ne suffit pas, la suivre est nécessaire mais dangereusement ennuyeuse“. C’est un passage du livre. Vous êtes-vous ennuyé durant votre carrière ?

MP : C’était la manière divine de courir qui devait être sous contrôle. Je voulais gagner une étape, j’étais 7ème au général mais 6ème et 8ème étaient derrière. Je veux gagner l’étape, je me fiche de tes dix secondes. Je n’ai jamais compris cette façon de courir. Ça faisait partie du jeu, je voulais savoir me battre. Ma meilleure performance globale dans un grand tour a été la Vuelta 2020 (4e) et ce fut la course la plus ennuyeuse de ma vie car je n’ai jamais attaqué. Je me suis dit “ok, je cours avec moi-même”. Pour obtenir un bon résultat, il n’était pas nécessaire d’attaquer. Maintenant ça a un peu changé mais seuls quelques coureurs peuvent attaquer, des super talentueux qui attaquent de loin. Le reste des coureurs doit rester dans les roues.

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Pour résumer vos pensées, il y a deux équipes dans le peloton : les romantiques et les autres.

MP : Il y en a moins maintenant. On débranche la tête. Nous avons une génération qui ne roule jamais sans wattmètre. Ils ne sentent pas les pédales et ne voient que les watts. Ce n’est ni pire, ni meilleur, c’est juste différent.

(Avec Christophe Gaudot)

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